Cter & Co : la RSE comme mission et aventure collective !

Octobre 2024

avec Odile Seiter – Dirigeante fondatrice de l’agence CTer&co

Explorer la RSE à travers celles et ceux qui la vivent

Avec Derrière la RSE – paroles d’engagement, Aggelos part à la rencontre de dirigeant·es qui cherchent à concilier convictions personnelles, réalité économique et impact durable.

Face à l’urgence écologique et sociale, les entreprises ne peuvent plus se contenter d’intentions. Cette série d’entretiens donne la parole à celles et ceux qui font vivre la responsabilité au quotidien.

➡️​Derrière la RSE, paroles d’engagements

À travers ces entretiens, nous explorons la façon dont l’engagement se construit : souvent sans plan, à force d’intuition, de tensions, d’essais et d’erreurs. Il ne s’agit pas de dresser des modèles, mais de comprendre comment la RSE s’enracine peu à peu dans les cultures d’entreprise, jusqu’à devenir un langage commun.

Ces entretiens racontent les chemins sinueux de celles et ceux pour qui la responsabilité n’est pas un statut, mais une manière d’être au monde.

Chaque échange révèle une manière d’agir, une cohérence, une trajectoire singulière.

Entretien avec Odile Seiter, fondatrice de CTer&co, qui a fait de la société à mission non pas un label, mais un cadre de cohérence : entre convictions, entreprise et territoire.

Quand la contrainte devient déclencheur

Éloi Choplin : C’est quoi, toi, ton déclic ? Pourquoi être devenue société à mission ?
Odile Seiter : À la base, c’est parti d’une contrainte. Mon plus gros client, Carrefour, m’a demandé un jour quelle certification nous avions. Au départ, j’ai trouvé cela absurde. Après quinze ans de collaboration, il fallait soudain prouver qu’on faisait les choses bien. J’ai même eu une réaction un peu épidermique : “Je n’ai pas besoin d’un tampon pour montrer que je pilote une boîte responsable.”
Mais cette contrainte m’a piquée au vif : et c’est sans doute ce qui a tout déclenché.

Alors on s’est lancé dans Ecovadis, presque à reculons. Et contre toute attente, cela a été un déclencheur. Ce travail m’a forcée à réfléchir à ce qu’on faisait et pourquoi. Au départ, c’était du pur pragmatisme, et puis c’est devenu un cheminement. Au fond, Ecovadis a été notre marchepied vers autre chose : une prise de conscience plus qu’une obligation.

E.C. : Et le passage à société à mission ?
O.S. : C’est venu dans la continuité. J’ai découvert ce modèle et je me suis dit : “C’est pour nous chez CTer&co !” Parce qu’il offre un cadre avec de la liberté, pas une évaluation, mais une intention. Et surtout, il m’a permis de mettre en mots ce qui me portait depuis des années.
Dire “je suis entreprise à mission”, c’est affirmer en une phrase ce que je mettais trois heures à expliquer : pourquoi je fais ce métier, à quoi sert ma boîte, ce que je défends. Ce n’est plus de la justification, c’est une posture assumée.

Ce que j’aime dans ce modèle, c’est la liberté qu’il offre : on définit soi-même ses engagements. Ce n’est pas un contrôle, c’est un cap. Pour moi, la société à mission, c’est un cadre qui libère. On ne remplit pas des cases, on trace une trajectoire.

Neuf mois pour se redéfinir

E.C. : Comment as-tu embarqué ton équipe dans ce processus ?
O.S. : En étant claire dès le départ : je ne voulais pas que cela devienne une usine à gaz. On a fait le chemin ensemble, à cinq, avec un consultant. Neuf mois de travail, pas plus.
Ce n’était pas toujours simple : trouver les bons mots, aligner la raison d’être avec ce qu’on vit au quotidien, cela demande une vraie sincérité. Et comme nous sommes des pros du contenu, nous chipotions beaucoup sur les termes !
Mais au final, cela a soudé l’équipe. Tout le monde a trouvé du sens. On a compris que devenir société à mission, c’était une manière de se redéfinir collectivement, pas juste d’ajouter une ligne dans les statuts.

Quand la mission devient miroir

E.C. : Et quels impacts concrets as-tu observés ?
O.S. : D’abord, de la crédibilité. Ceux qui connaissent le modèle comprennent que c’est une vraie démarche, pas du vernis. Et pour d’autres, c’est un sujet de curiosité. Dans tous les cas, cela suscite le respect.
Certains m’ont dit : “C’est tellement évident que vous soyez entreprise à mission.”
Et c’est vrai : notre raison d’être* s’aligne parfaitement avec ce qu’on raconte depuis toujours.

En interne, cela donne une colonne vertébrale. En externe, cela légitime notre discours.
Mais il y a encore beaucoup de confusion autour du mot “mission”. J’ai entendu des entreprises se revendiquer à mission parce qu’elles reversaient 1 % de leur chiffre d’affaires à une cause extérieure. C’est généreux, mais sans lien avec leur cœur de métier. Pour moi, la mission, c’est ce qui relie profondément ce qu’on fait à ce qu’on veut changer. Pas un geste isolé, mais une cohérence.

Chez CTer&co, on accompagne nos clients sur leur communication, alors le fait d’avoir clarifié notre propre mission renforce notre crédibilité.
Mais le plus important, c’est la congruence : ce qu’on dit, ce qu’on fait, ce qu’on incarne. Tout s’aligne.

© CTer&co / G. Arroyo

La nuance comme ligne de force

E.C. : Ce chemin, il n’est pas toujours simple…
O.S. : Non, il y a des doutes, des renoncements, des moments de fatigue. J’ai compris qu’être société à mission, ce n’est pas être parfait : c’est accepter de composer.
J’ai des salaires à payer, des arbitrages à faire. On ne peut pas exclure tous les clients qui ne cochent pas 100 % des cases. C’est une voie de progrès, pas une fin en soi.
Et puis il y a la nuance, à laquelle je tiens profondément. Je me méfie des postures radicales : plus on m’impose une vérité absolue, moins j’y crois.

Je suis une femme de nuances. Je me méfie des discours trop tranchés. Plus on me dit “c’est comme cela qu’il faut faire”, moins j’y crois. Ce que j’aime, c’est la complexité, les zones grises, le réel. C’est là qu’on progresse. Je préfère avancer pas à pas, sans perdre le sens ni la cohérence. C’est là que réside ma mission.

Passer du discours à l’ancrage

E.C. : Et si tu devais résumer ce que ce statut change ?
O.S. : Il change tout, sans rien bouleverser. Il donne du sens à ce qui était déjà là.
Avant, je passais du temps à justifier ma vision. Aujourd’hui, je l’assume.
Cela ne me rend pas meilleure, juste plus alignée.
L’entreprise à mission, c’est un miroir : il renvoie ce qu’on est, et nous oblige à le regarder en face.
Et c’est ce regard-là, lucide, imparfait, mais sincère, qui me semble le plus précieux.

Conclusion – La responsabilité comme cohérence

Par Eloi Choplin : « Cette conversation me rappelle à quel point la responsabilité, lorsqu’elle est vécue sans dogme, peut devenir un puissant vecteur d’équilibre. Chez CTer&co, l’engagement n’est pas né d’une injonction, mais d’une contrainte transformée en chemin. Et c’est dans cette tension, entre liberté et contraintes cadrées, que la mission prend tout son sens. Et cette cohérence me parait fondamentale dans la communication et l’accompagnement des organisations. Dans la voix d’Odile, on entend cette lucidité, celle qui concilie le réalisme économique et la fidélité à ses convictions. »

Pour aller plus loin :

  • *La raison d’être de CTer&co : « Révéler, faire valoir et partager les initiatives du territoire dévolues à une société plus juste, à une économie pérenne et à la préservation de l’environnement. Nous sommes les médiateurs d’une information utile et éclairante. »

Images – © CTer&co / G. Arroyo

Voir toutes les références
Vous avez une idée ? Un projet ?
Contactez-nous